Je suis médecin, et en cette fin 2020, comme vous, je suis perdue – BLOG

[ad_1]

COVID-19 – Qui aurait cru il y a un an seulement que nous en serions là? Qui aurait pensé qu’un pangolin viendrait accompagné d’un indésirable compagnon de quelques nanomètres, qu’il se trouverait chez nous fort à son aise et qu’il transformerait nos fêtes en bal masqué?

Neuf mois se sont écoulés depuis que je vous confiais mes premiers mots. Il y a neuf mois nous allions voter aux élections municipales: leur tenue avait été jugée indispensable pour la démocratie et risque sanitaire, acceptable. Difficile de croire tout ce qu’il s’est passé depuis. À la mobilisation générale pour le système de santé ont succédé confinement, applaudissements, attention à l’autre puis polémiques, secrets, complotismes, état d’urgence sanitaire, vacillement de l’économie, remises en cause de nos libertés individuelles et collectives, atteinte à la liberté de la presse, mise en péril de la démocratie…

Les belles paroles ne sont plus. Des vérités sont assénées. Au secret défense ont succédé des réseaux de défiance.

Vous avez envie de raconter votre histoire? Un événement de votre vie vous a fait voir les choses différemment? Vous voulez briser un tabou? Vous pouvez envoyer votre témoignage à temoignage@huffingtonpost.fr et consulter tous les témoignages que nous avons publiés. Pour savoir comment proposer votre témoignage, suivez ce guide!

J’entendais récemment l’un de mes confrères dire sur un plateau qu’en médecine on ne sait pas dire: “je ne sais pas”. Cette simple phrase m’a fait sauter au plafond et a fini de me convaincre de l’échec de ces derniers mois.

Nous avons failli. Nous avons échoué. Nous n’avons pas compris

Nous, soignants, scientifiques, avions l’opportunité de faire entendre nos voix. Nous aurions dû profiter de la période pour rendre à la science ses lettres de noblesse. Nous aurions dû souligner l’importance de la recherche et nous insurger que ses crédits soient érodés un peu plus à chaque mandat. Nous aurions dû pouvoir placer — et maintenir — la santé et l’hôpital public au centre d’un échiquier dont ils avaient été écartés il y a bien longtemps.

Au lieu de ça l’appât médiatique et les ambitions individuelles ont eu raison de nos tempérances. Sobriété, modération et prudences se sont transformées en boulimie d’informations, en médiatisations à outrance, en ivresses de pouvoir. Tout le monde a eu son mot à dire, son avis à donner, son traitement à promouvoir et aujourd’hui, nous sommes saouls, noyés dans un océan de “vérités” aussi nombreuses qu’erronées. Vérités, contre-vérités, ordres, contre-ordres: désordres.

Aujourd’hui, comme vous, je suis perdue

Mes consultations sont dures, tant leur nombre que dans leur intensité émotionnelle. Hier, aux larmes d’un homme que l’on allait priver de ses petits-enfants, ont immédiatement succédé les difficultés à respirer d’une patiente touchée par le coronavirus… Hier, j’ai continué à constater que nous avions du pain sur la planche pour reprendre en charge tous ces patients perdus de vue… Hier, en rentrant de ma journée de 11 h, j’ai entendu que les soignants allaient devoir se mobiliser comme jamais pour procéder aux vaccinations. Et résonne dans ma tête cette interrogation: comment? Comment libérer du temps pour vacciner quand nous n’arrivons déjà plus à prendre en charge tous nos patients? Pourrions-nous seulement envisager que tout ne soit pas que du covid? Hier soir, j’ai entendu les soignants essayer de glaner la moindre information sur le processus vaccinal censé débuter dans quelques jours… Je me suis revue réquisitionnée pour aller vacciner contre le H1N1 dans un hangar sans chauffage en lendemain de garde aux urgences et j’ai compris: rien n’avait changé, rien ne changerait, on continuera à marcher sur la tête, à pressuriser les personnels soignants. L’illusion d’un Ségur utile s’est estompée: les professionnels de santé n’ont pas changé de statut, ni aux yeux de la population, ni aux yeux des pouvoirs publics qui les considèrent comme des pions, des fous d’un échiquier dont on a perdu le contrôle et qui n’a plus d’autre règle que celle du paraitre.

Concernant les vaccins, nous ne pouvons pas échouer. La mascarade des masques ne doit pas être suivie d’une improvisation de vaccination et les pouvoirs publics redescendent de leur piédestal pour le comprendre. Je ne leur demande même pas de mea culpa, je leur demande juste d’ouvrir les yeux et de comprendre que pour réconcilier la population avec le vaccin, il leur faudra faire preuve de transparence, d’humilité et d’exemplarité et de clarté.

Moi, médecin généraliste, j’aimerais que l’on m’explique

Quand va-t-on vacciner? Où? Qui le fera? Avec quel vaccin? Sommes-nous certains d’avoir suffisamment de doses pour tout le monde?

La méfiance de la population, née entre autres de l’illusion du gouvernement de tout savoir, tout contrôler, tout comprendre, devra être combattue. Notre seule arme sera pour cela de l’éducation. De l’information. Claire, contrôlée et éclairée. Il faudra dire ce que l’on sait autant que ce que l’on ne sait pas. Il y a un an, personne ne leur en aurait voulu d’expliquer que nous étions face à un nouvel ennemi, inconnu, perfide, agressif, mais ils se sont enferrés dans la tenue des élections, dans l’inutilité des masques plutôt que l’aveu de pénurie. J’aurais préféré qu’ils n’appliquent pas la théorie de Marivaux selon laquelle “toute vérité n’est pas bonne à dire”. J’aurais préféré que notre ministre ne remplace pas la vérité scientifique par une vérité politique et qu’il se souvienne de son quotidien de médecin: oser dire quand on ne sait pas. Hier, j’ai dû expliquer à ma patiente que ses lésions étaient peut-être cancéreuses… J’ai détesté mon “peut-être” à l’instant précis où il s’est échappé de ma voix, certaine que cette assertion finirait de détruire ses fêtes de fin d’année déjà bien écorchées. J’ai néanmoins la naïveté de croire qu’elle méritait une vérité, j’ai la candeur de croire qu’en cet instant précis, mon aveu d’ignorance m’honore. En médecine, il nous faut apprendre la patience malgré l’impatience d’un diagnostic ou d’un résultat. “La seule chose que je sais, c’est que je ne sais rien” disait Socrate: dommage qu’au cours de cette année écoulée certains n’aient pas eu la sagesse, la patience ou l’humilité de l’écouter…

Je vous souhaite à tous, dans cette période éminemment exceptionnelle, de profiter malgré tout de vos fêtes: profitez de vos proches, mais soyez prudents. Imbibez-vous des rires des enfants. Retrouvez dans leur candeur l’envie d’aller de l’avant. Dites-vous que si le gel, les masques et les tests sont présents cette année, ce ne sera que pour d’autant plus danser l’année d’après. Protégez-vous, protégez-les, protégez-nous. Et merci pour tout.

À voir également sur Le HuffPost: Ce graphique commenté rappelle comment le Covid-19 a écrasé toute la planète en 2020

[ad_2]

Source link

Facebooktwitterredditpinterestlinkedinmail

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.