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NOËL – La hotte du père Noël 2020 sera remplie de cadeaux et de culpabilité. De culpabilité parce que peu importe la manière dont nous fêterons Noël, il y aura toujours ce sentiment désagréable de prendre un risque vis-à-vis des aînés et des personnes dites vulnérables à une forme sévère de Covid-19.
“Nous autoriserons les déplacements pour la soirée du 24 décembre. Mais en vous rappelant la règle que je vous ai indiquée la semaine dernière: pas plus de six adultes à la fois”, a pris soin de prévenir le Premier ministre Jean Castex ce jeudi, en insistant sur la nécessité de limiter les interactions avec les personnes âgées.
Le dilemme est bien là: laisserons-nous une partie de la famille en proie à la solitude en réveillonnant sans eux, pour éviter tout risque de contamination? Ou bien les inviterons-nous coûte que coûte, parce que le prix de l’isolement est trop cher à payer?
Plusieurs lecteurs ont répondu à notre appel à témoignages demandant comment ils font face à ce choix cornélien. Leurs réponses nous ont permis d’identifier deux types de comportements, en sachant que ces témoignages ont une valeur purement déclarative et qu’ils permettent seulement de dégager une tendance. Il y a ceux qui privilégient la famille, peu importe les risques, et ceux à l’inverse, qui préfèrent protéger leurs proches.
La famille d’abord
En premier lieu, on trouve ceux qui ont fait le choix de la famille. Ils ne peuvent pas imaginer Noël à six ou sans les aînés ni les personnes malades chroniques. Ainsi, Virginie nous écrit qu’elle n’envisage pas un seul instant de passer le réveillon sans sa mère. Elle craint pour la suite, son père n’étant déjà plus là.

De son côté, Grégoire, manager dans une grande entreprise, d’ordinaire très respectueux des règles depuis le début de la crise sanitaire, admet pour Noël avoir pris une décision “irrationnelle” comme il le dit lui-même.
”Cette fête est attendue avec beaucoup d’impatience dans ma famille, tellement qu’on a toujours envisagé de se retrouver comme chaque année. On va essayer de ne pas s’embrasser, mais soyons honnête, on est 4 frères et soeurs, tous en couple avec des enfants en bas âge pour qui ne pas embrasser n’a aucun sens, et des ados, et des parents de plus de 70 ans…”
“Un besoin vital qui part des tripes”
Pour échapper un peu à la culpabilité, Grégory, qui sait parfaitement le risque encouru, privilégie la famille, envers et contre tout:
“On a tous conscience que ce Noël sera un pari risqué. On sait qu’on ne va pas garder nos masques longtemps, que les enfants câlineront les grand-parents, qu’on passera 2 repas complets à presque 18 dans une même pièce. C’est le meilleur scénario pour faire circuler le virus. Mais tant pis. On préfère courir ce risque plutôt que de ne pas se voir.”
Si ce quadragénaire accepte de dépasser les injonctions sanitaires, c’est, selon lui, par un “besoin vital, qui part des tripes, et qui a été démultiplié cette année où l’on a été sevrés d’affection, de relations humaines.”
Le cas de Grégory est intéressant parce qu’il raconte l’ancrage de la tradition de Noël dans la structure familiale. Le sociologue Jean Viard, directeur de recherches CNRS au Cevipof (Science Po), compare Noël à la fête des familles par excellence.
“Noël, on le fête entre 30 et 50 ans principalement, pour faire plaisir aux enfants. Noël, c’est aussi le second moment de vraie rupture avec le travail dans l’année. Avec la 5e semaine de congés pays octroyée en 1981, la période entre Noël et le jour de l’An est synonyme d’accalmie, de retrouvailles, tout comme celle entre le 1er et le 15 août de chaque année. C’est un rituel devenu essentiel de l’équilibre familial.”
Noël fêté sur 4 week-ends
Louise, 26 ans, n’imagine pas non plus passer Noël sans sa famille. Alors, ensemble, ils ont tout organisé pour réussir à se voir sans dommage. “Je fête habituellement Noël deux fois, le 24 et le 25 décembre. Cette année, nous avons pris des dispositions qui consistent à avoir autant de Noël que de combinaisons possibles de familles. Ainsi, nous avons un premier Noël le week-end du 12 décembre, et ainsi de suite pour chaque week-end jusqu’à début janvier, pour éviter le rassemblement général.
Et côté précautions, la famille de Louise est parée. “Mon père est dentiste, il a accès à des tests dont le résultat est donné en 30 minutes. Alors, 12 heures avant chaque dîner, on fera tous le test. A partir de ce moment, et si les tests sont négatifs, on se confinera ensemble jusqu’à la fin de la soirée. Pour le soir de Noël, précisément, on dépassera un peu la jauge de 6 personnes. Mais il est hors de question de laisser mes grand-parents de 87 et 90 ans seuls ce soir-là.”
Des précautions d’un côté, de légères infractions de l’autre… C’est cet équilibre précaire que tentent de trouver les familles.
La stratégie du risque zéro
En second lieu, on trouve ceux qui penchent du côté de la sécurité. Ils ne veulent courir aucun risque, ni en faire courir à leurs proches. Soit ils respectent à la lettre la jauge des 6, soit ils s’inscrivent même en-dessous. Guillaume, 44 ans, directeur dans l’enseignement supérieur, compte passer toutes les fêtes avec sa femme et ses 2 enfants sans voir ni sa famille, ni celle de sa femme. “Ca a été dur à encaisser pour nos proches, mais on préfère ça plutôt que de le regretter après.”
Dans le même esprit, Phil ne voit aucun inconvénient à reporter Noël en janvier. Il se dit aussi prêt à le fêter dehors… un peu plus tard.
Justine, 29 ans, admet apprécier cette jauge à 6. “Je suis ravie de cette obligation, parce que je vais enfin pouvoir passer Noël comme j’en ai toujours rêvé, simplement avec mes parents, mes frères et ma soeur. Les cousins, je les aime bien, mais là j’ai envie de simplicité, de calme, de vraies discussions.”
De la résignation
Encore plus drastique, Isabelle, 47 ans, infirmière, son mari et ses trois enfants organisent tout leur Noël grâce à la visioconférence. Deux fêtes de famille devant l’écran, le 24 au soir et le 25 à midi. Les cadeaux aussi feront partie de la fête puisque chacun a prévu de les envoyer en amont pour les déballer le jour J face caméra. Ils seront donc éloignés des oncles, tantes, grand-parents…
Et la situation n’amuse pas la soignante. “Cela m’embête de ne pas rendre visite à mes parents et mes beaux-parents. Avec mon mari, on va les voir depuis 1999. Et on est très très cadeaux dans la famille, alors déballer tout ça un peu dans le vide, c’est pas évident. Mais on a choisi cela, parce que notre fille de 20 ans a une amie qui a perdu son grand-père qu’elle avait contaminé sans le savoir. Il est décédé peu de jours après. La jeune femme est traumatisée et ma fille qui était présente quand son amie l’a appris nous a dit qu’il était hors de question pour elle d’aller voir ses grand-parents. Nous avons décidé de la suivre dans cette décision.”
Enfin, il y a tous ceux pour qui organiser Noël n’a pas vraiment d’importance. Comme le rappelle le sociologue Jean Viard, auteur du livre La page blanche qui analyse cette pandémie avec brio, “10 millions de Français fêteront Noël seuls. Sans compter les personnes qui voient en Noël un symbole religieux et ne souhaitent pas y participer. Ou celles qui vivent à la rue et pour qui ces questions d’organisation n’ont aucune répercussion”
Ainsi, Sophie témoigne auprès de la rédaction: “Je serai seule pour Noël. Je vis dans un centre d’hébergement d’urgence, à la suite de violences conjugales. Noël sera synonyme d’une grande solitude. J’appréhende beaucoup cette première dans ma vie.”
Pour Jean Viard, il faut garder en tête que la période que nous vivons est exceptionnelle. “On se rend compte que l’humanité toute entière est capable de se mobiliser dans une seule direction. Nous avons tous été confinés ensemble plus ou moins au même moment. Cela va rester une date majeure dans l’histoire de l’Humanité. Au quotidien, bien sûr, nous vivons des enjeux qui nous gâchent la vie, mais nous verrons plus tard que nous sommes rentrés dans l’Histoire.”
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