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POOL New / reuters
Quelques jours après l’explosion dévastatrice du 4 août à Beyrouth, Emmanuel Macron se rendait sur place pour témoigner de l’amitié franco-libanaise. Dès le lendemain du drame, la France avait ouvert un pont aérien et maritime et fait parvenir plusieurs centaines de tonnes d’aide médicale et alimentaire. Depuis, le Président français n’a de cesse de mobiliser la communauté internationale pour réunir aides financières et soutiens logistiques, prenant incontestablement le leadership mondial dans le dossier libanais. Sa prochaine visite au pays du Cèdre, le 1er septembre, devrait être l’occasion de réaffirmer le rôle déterminant de la France dans la reconstruction du pays, mais également la place décisive qu’elle entend occuper dans la réforme politique et institutionnelle du Liban. La classe politique libanaise est en effet accusée de corruption, à tel point que l’État est jugé failli. Le soutien de la France éveille dès lors chez certains l’espoir d’une renaissance libanaise. D’autres voix, reprochant au Président Macron la posture du sauveur, fustigent une ingérence française dans les affaires libanaises là où devrait intervenir la communauté internationale.
L’action actuelle de la France, qui initie et préside activement les réunions internationales consacrées à la situation libanaise et veut constituer un moteur dans la réflexion sur l’avenir du pays, n’est pas critiquable du point de vue du droit international. Le Conseil de sécurité des Nations Unies est en effet paralysé depuis plusieurs mois du fait de la dégradation des relations entre les États-Unis, la Chine et la Russie. Les considérations élémentaires d’humanité imposaient dès lors qu’un ou plusieurs États décident de coordonner une réponse internationale pour faire face à la tragédie qui s’abat sur le pays. Seule une initiative étatique était à même de mobiliser la communauté internationale, et l’action de la France, soutenue par une Organisation des Nations Unies réduite à un rôle d’observateur, a sur ce plan porté ses fruits.
Le procédé n’est pas inédit, l’action de la France s’inscrivant dans une longue histoire juridique et diplomatique avec le Liban. Dès la chute de l’Empire Ottoman après la première guerre mondiale, la Société des nations, ancêtre de l’Organisation des Nations Unies, avait confié à la France le mandat de créer un État multiconfessionnel dans la région. Après vingt-trois ans de protectorat français, l’État libanais indépendant vit le jour en 1943. La tradition de soutien de la France à sa principale zone d’influence au Levant, y compris à la tribune des Nations Unies, ne fut jamais démentie. Dans les années 1980, François Mitterrand fut moteur dans la création et le déploiement de la Force multinationale dépêchée à Beyrouth pour tenter d’éviter un bain de sang. Jacques Chirac ne ménagea pas ses efforts pour obtenir une résolution 1559 du Conseil de sécurité, qui réaffirma en 2004 la souveraineté et l’indépendance du Liban et ordonna le retrait des troupes syriennes sur son sol. C’est également à sa demande qu’une enquête internationale fut initiée par l’ONU en 2005, au lendemain de l’assassinat du Premier ministre Rafic Hariri, de sorte que l’observation d’une journée de deuil national au Liban le jour des obsèques de l’ancien Président français n’a pas étonné. Les Présidents français ont donc toujours porté les intérêts libanais auprès des organisations internationales et des Nations Unies en particulier, ce qui justifie la prise de leadership d’Emmanuel Macron.
Surtout, la mobilisation de la France pour porter assistance au Liban répond à une demande officielle du gouvernement libanais, comme l’a indiqué le ministre français des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian au lendemain de la catastrophe. En droit international, l’existence d’une telle demande démontre que la souveraineté du Liban, qui a requis l’aide française, est parfaitement respectée. Les propos d’Emmanuel Macron sur la réforme institutionnelle du pays, qui dépassent le cadre du drame du 4 août, ont certes pu interroger. Le Président libanais Michel Aoun a cependant déclaré lui-même qu’il ne considérait pas l’intervention française, ni même ses positions très critiques quant à la gouvernance du pays, comme une ingérence.
Comme tout positionnement sur la scène internationale, le leadership français sert ici des intérêts diplomatiques, et l’on peut douter que seuls des motifs humanitaires guident son action. L’on pense par exemple à l’importance qu’il y a, pour la France, à se présenter comme un allié incontournable du Liban face à une Chine désireuse de s’implanter dans la région et susceptible de financer une reconstruction, ou à une Turquie intéressée par les ressources pétrolières du pays et cherchant à y renforcer son influence. Le Président français saisit aussi l’occasion dramatique pour raviver l’amitié qui unit les deux peuples, à des fins en partie géopolitiques. Il n’en demeure pas moins qu’il s’appuie sur un discours éthique et s’inscrit dans une démarche qui l’est incontestablement, d’autant que cette ingérence de la France consiste à réclamer davantage de transparence et des moyens de lutter contre la corruption des autorités libanaises. On se situe donc bien sur le plan de l’éthique publique, et qui pourrait le reprocher? C’est l’une des raisons pour lesquelles le discours français semble globalement plébiscité au Liban.
En définitive, le positionnement de la France illustre la possibilité de combiner une stratégie diplomatique avec une exigence éthique: les deux notions ne s’opposent pas par nature. Plus encore, l’éthique peut servir un intérêt géopolitique plus vaste. Elle peut, comme dans le cas présent, servir à guider l’action diplomatique, sans exclure la poursuite d’intérêts géostratégiques. Pour autant, il serait toutefois souhaitable que la communauté internationale surmonte ce statu quo peu satisfaisant. L’éthique ne doit pas rester un levier ponctuel d’action internationale, à la faveur de l’alignement de considérations humanitaires, économiques et géopolitiques. L’enjeu éthique doit désormais guider de manière systémique la diplomatie mondiale. Pour cela, un multilatéralisme plus éthique doit être promu, par l’institution d’une culture de l’éthique de la décision publique internationale et la création d’organes la promouvant au niveau mondial. La France pourrait profiter du leadership qu’elle exerce aujourd’hui pour peser sur cette transformation globale, par des propositions aux Nations Unies et au sein des fora intergouvernementaux (G7, G20) où sa parole est toujours écoutée.
Pour aller plus loin sur le sujet, lire: Pour un multilatéralisme plus éthique?
À voir également sur Le HuffPost: Les dégâts causés par l’explosion du port de Beyrouth en vue aérienne
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