Les amis d’enfants assassinés perdent aussi leur enfance – BLOG

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DEUIL – J’ai rencontré Vanessa Geluck, l’amie d’Élisabeth Brichet, victime de Michel Fourniret. Elle confie combien c’est tout son monde qui s’est écroulé à sa mort.

On ne dit pas assez combien les amis d’enfance sont en première ligne, au moment des deuils. Mais quand on parle de disparition d’enfant, de séquestration, d’assassinat, c’est tout un monde qui s’écroule.

Vanessa Geluck a quarante-trois printemps. Elle était l’amie d’Élisabeth Brichet, victime de Michel Fourniret et de Monique Olivier.

Vanessa fut la dernière à l’avoir vue. Il était 18 h 55, en ce 20 décembre 1989, à Namur. Elle venait de passer l’après-midi avec sa copine Élisabeth, qu’elle avait invitée chez elle pour quelques heures, non sans avoir insisté pour qu’elle vienne. “J’étais si heureuse qu’Élisabeth accepte.” Les deux fillettes de douze ans ont joué à l’ordi savant, fait des canulars au téléphone, mangé des biscuits en regardant Scoubidou à la télévision. Quand Élisabeth a quitté le domicile de Vanessa, il faisait déjà nuit noire. 800 mètres seulement la séparaient de sa maison. Personne ne la reverra jamais.

La vie s’arrête

Nous sommes alors à l’approche des fêtes de fin d’année et les Namurois sont préoccupés de savoir quels cadeaux ils vont offrir à leurs proches. La disparition d’une fillette de douze ans coupe court à ces instants de liesse. Dès le lendemain, policiers, pompiers et militaires s’activent pour ratisser le secteur. En vain.

“Je n’ai jamais plus fêté Noël. Décorer un sapin avec des guirlandes, être heureux à cette époque de l’année, cela me paraissait impossible” explique Vanessa, dont la famille sera longtemps soupçonnée dans cette affaire sinistre qui terrorisera la Belgique entière.

Où est passée Élisabeth?

C’est la question qui sera sur toutes les lèvres à Namur, en faisant naître les ragots et rumeurs les plus infâmes. “Parce qu’elle avait passé les dernières heures avant sa disparition chez moi, les enquêteurs ont immédiatement soupçonné ma famille de leur cacher des choses. Ma mère, nerveusement fragile, n’a pas supporté tant de pression, d’autant que la mère d’Élisabeth, dans le désarroi le plus total, nous sollicitait énormément pour tenter de comprendre ce qui était arrivé”.

Aucune prise en charge

Dans le jargon psychologique, Vanessa Geluck est une “impliquée”, c’est-à-dire une personne ayant vécu un événement catastrophique sans pour autant en avoir été victime elle-même. Elle a bien sûr été entendue de nombreuses fois par la police, mais n’a aucunement été prise en charge psychologiquement.

″À cette époque, il n’y avait aucun soutien psy. Cela n’existait pas encore dans les mentalités. J’avais douze ans, mon amie avait disparu en sortant de chez moi et je n’ai pas fait de psychothérapie!” déplore Vanessa, capable de beaucoup de distance et d’analyse.

De manière générale, on mésestime bien souvent la portée traumatique de l’événement pour les impliqués. Au lieu d’écouter la souffrance de la jeune adolescente, l’entourage lui renvoya vite la “chance” qu’elle eût de ne pas avoir disparu, elle.

″Élisabeth était blonde, moi brune. Ma grand-mère émettait l’hypothèse de la traite des blanches. La couleur de cheveux aurait expliqué qu’Élisabeth fut choisie par ses kidnappeurs. Plus on me disait que j’étais chanceuse, plus je me sentais fautive. De quoi? Je ne le sais pas vraiment. Si j’avais raccompagné Élisabeth chez elle ce soir-là, aurait-elle disparu? Aurais-je pu être enlevée à sa place? Toutes ces questions inutiles m’ont traversé l’esprit en me terrorisant”.

À Namur, la maman d’Élisabeth, Marie-Noëlle Bouzet, une femme courage capable de soulever des montagnes, convoqua médium et détectives privés, s’en alla même aux Canaries, en vue de retrouver sa fille chérie dans un réseau de prostitution. Cela n’a encore et toujours rien donné. “Je ne suis pas la seule à avoir été traumatisée par cette disparition. Beaucoup d’enfants, proches d’Élisabeth, n’ont pas pu supporter de ne pas savoir de si longues années. Personnellement, je n’arrive pas à imaginer le mal chez les autres. C’est un point aveugle. L’idée que quelqu’un puisse être méchant, sadique avec un enfant? Cela m’est strictement impossible à imaginer”.

Vanessa Geluck, comme toute la Belgique, apprit en 2004, le dénouement sordide de l’affaire. Élisabeth avait été enlevée, ce 20 décembre 1989, par le couple Michel Fourniret/Monique Olivier. Elle a accepté de porter secours à leur bébé, à l’arrière de leur véhicule et prétendument malade. Elle est montée dans la voiture pour les guider vers son médecin de famille. Le piège se referma inévitablement sur la pauvre enfant, emmenée dans les Ardennes françaises, violée, torturée et assassinée le lendemain, malgré ses cris de révolte et de chagrin. Son petit corps fut retrouvé dans la propriété de Michel Fourniret, quinze ans après sa disparition.

Je ne peux pas encore prendre conscience de ce qui est arrivé à mon amie. Je ne veux pas le savoir. C’est comme un chapitre effacé, quelque chose d’impensable” explique Vanessa, les larmes dans la voix. “Ce monstre a volé la vie d’Élisabeth. Elle aurait eu 42 ans, elle aurait été maman comme moi. Cette horreur eut des répercussions terribles sur ma vie. Je n’ai pas eu d’adolescence, j’ai vécu dans la peur que cela se reproduise, dans la culpabilité vis-à-vis d’elle, mais aussi dans l’envie de protéger mes parents du scandale qui les salissait sans raison”.

L’effet miroir

Vanessa Geluck est victime de ce que l’on appelle l’effet miroir. Elle a le sentiment ravageant qu’Élisabeth Brichet a vécu ce qu’elle aurait tout à fait pu endurer si le tueur en série pédophile avait jeté son dévolu sur elle, cette après-midi-là.

Avec ma copine, nous sommes allés chercher un pain vers 18 heures. Nous avons pris une petite rue et un homme nous a dit bonsoir. Je ne sais pas s’il s’agissait de Michel Fourniret. Une chose est sûre: si c’était lui, il a repéré Élisabeth à ce moment-là et a attendu qu’elle sorte de chez moi pour la piéger. C’était elle ou moi. Ce fut elle”.

Présente au procès de l’assassin ainsi qu’aux funérailles de sa chère amie Élisabeth, Vanessa a appelé sa fille Lili en hommage à cette dernière, pour qu’on ne l’oublie pas. “C’est important pour moi d’en parler sur Facebook. Quand je vois des milliers de partages, cela me fait chaud au cœur. Élisabeth était si bienveillante, si calme. Elle existe encore quand on en parle”.

Aujourd’hui, Vanessa Geluck est devenue artiste et vit toujours à Namur. “J’ai longtemps privilégié, dans ma création, un monde très enfantin, à la Walt Disney, avec la figure d’un méchant loup qui rôde et qui peut nous enlever notre enfance. Je ne suis pas encore sorti de ce traumatisme, n’en sortirai probablement jamais tout à fait, mais j’essaye d’avancer, de faire des choses avec ce chagrin, cette douleur.”

Elisabeth Brichet fait partie des très nombreuses victimes de Michel Fourniret, en France et en Belgique. Le témoignage édifiant de Vanessa Geluck en dit long sur les cataclysmes psychologiques dont il fut responsable à travers ses abominations.

Pour aller plus loin:

Vous pouvez visionner la vidéo des Rendez-Vous avec Joseph Agostini. Joseph Agostini et Jean Benoit Dumonteix signeront Tueurs en série sur le divan en mars 2021 aux Éditions En Volume, un ouvrage retraçant les affaires Fourniret, Paulin, Petiot et Guy Georges, à la lumière d’une expertise psychologique approfondie. ´

À voir également sur Le HuffPost: Affaire Mouzin: l’avocat de Fourniret demande “la sérénité des débats”

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