Liban, un mois après: « une partie de la population sombre dans une dépression collective »

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AFP via Getty Images

Makhoul Mohammad al-Hamad, 43 ans, regarde depuis son appartement le port détruit avec dans ses bras sa fille de 6 ans Sama, le 16 août 2020.

INTERNATIONAL – Il avait promis de revenir le 1er septembre, il le fait. Emmanuel Macron est de retour au Liban, lui qui avait parlé à la population le 6 août d’“un nouveau pacte politique” et quelque peu tancé le gouvernement libanais dans une visite aux accents providentiels. Dans son sillage, Jean-Yves Le Drian a récemment averti: “Le risque aujourd’hui, c’est la disparition du Liban”. Un mois après l’explosion dramatique du 4 août, le pays semble toujours KO debout.

“Les conditions de vie au Liban ne font que s’écrouler.” C’est ce que constate Rym Momtaz, correspondante en France de Politico et spécialiste du Moyen-Orient. Chargée de suivre la politique européenne et étrangère de la France, elle couvre le voyage du Président français au Liban ce 1er septembre. Rym Momtaz raconte au HuffPost la “dépression collective” qui touche une population qui a déjà trop souffert et décrit une classe politique qui fera tout pour garder le pouvoir. L’avenir du Liban est en suspens. 

Le HuffPost: Quelles sont les conditions de vie sur place un mois après? 

Elles ne font que s’écrouler. Depuis des mois, la livre libanaise a subi une dépréciation extrême, le Liban est en hyperinflation, tout est devenu hors de prix. Des familles qui étaient de classe moyenne aisée se retrouvent aujourd’hui à devoir rationner leur consommation de viande par exemple. Il y a une augmentation de la délinquance, ceux qui sont encore moins fortunés sont obligés de voler des couches-culottes dans des pharmacies, ou d’autres encore plus désespérés se suicident dans la rue pour fuir la honte de ne plus pouvoir nourrir leurs enfants. 

Les parents encouragent leurs enfants adultes à émigrer.

 
Que ressentent les Libanais et comment voient-ils l’avenir? Comment ce choc est-il vécu en comparaison de précédents traumatismes, notamment la guerre civile?

Une grande partie de la population libanaise sombre dans une dépression collective sous le coup des crises successives financière, sociale, économique, sanitaire, sécuritaire et politique. Les parents encouragent leurs enfants adultes à émigrer, et les jeunes parents sont tiraillés entre un choix impossible: quitter leur pays et leur famille pour aller trouver un avenir meilleur ou rester et continuer de mourir à petit feu.

L’explosion du port de Beyrouth a été un traumatisme sans précédent, même pour une population qui a vécu plusieurs grandes crises et conflits, à cause de l’ampleur des dégâts dans la capitale, du jamais vu dans un incident unique, et le fait que -jusqu’à présent- il semble que les responsables politiques supposés gouverner et préserver le pays soient responsables de l’explosion. Ceci dit, il y a une autre partie de la population libanaise qui reste satisfaite du système politique en place.

Très vite après la visite du Président Macron, beaucoup ont senti une désillusion.

Une partie de la population libanaise (francophone) semble avoir accueilli Macron lors de sa visite comme un “sauveur” ou un “protecteur historique”. D’autres ont pu ressentir une forme d’ingérence, comme l’a expliqué à Mediapart le politiste Jamil Mouawad…

Effectivement une partie de la population libanaise a demandé au Président Macron de les aider à se débarrasser de la classe politique et de les sauver de ce qu’ils perçoivent comme leur corruption et leur incompétence. Mais très vite, après sa dernière visite, beaucoup ont aussi senti une désillusion et une déception quand les tractations politiques entre le président français et les partis politiques au pouvoir ont continué et quand il est devenu clair que le prochain Premier ministre serait un des leurs. Le président français pour sa part répète qu’il ne fait aucune ingérence et qu’il doit dialoguer avec les responsables politiques libanais qui ont été élus au parlement. 

Ce qu’il s’est passé ressemble à une apocalypse, c’est-à-dire une catastrophe et, étymologiquement, une “révélation”. Cette tragédie a en effet révélé au grand jour ce que le peuple libanais dénonçait depuis longtemps: l’incompétence, la négligence et la corruption de la classe politique. Pensez-vous que cela puisse être le point de bascule vers un nouveau Liban? Une sorte de Liban année zéro? 

Il est très difficile et trop tôt pour pouvoir répondre sérieusement à cette question. Il est clair que les partis politiques s’accrochent et comptent faire tout ce qu’il faut pour garder leur emprise sur le pouvoir. Et jusqu’à maintenant, les formations politiques qui ont émergé des manifestations restent divisées et n’ont pas su former un bloc politique qui puisse peser. Parce que le système est verrouillé mais aussi à cause de leurs propres divisions.

Il y a une certaine fatalité à être Libanais.

Les Libanais ont-ils confiance en la communauté internationale et la conférence des donateurs? Ou pensent-ils, après tant d’épreuves, qu’ils resteront définitivement au carrefour dangereux de “l’Orient compliqué”?

Il y a une certaine fatalité à être Libanais, ce pays où tant de tensions géopolitiques s’affrontent depuis des décennies. Où un pays comme l’Iran finance et arme à gogo un parti politique mieux armé que l’armée libanaise, qui continue de mener des guerres en Syrie et au Yémen ainsi qu’avec Israël, sans demander l’avis des autres composantes libanaises. Parmi ceux qui sont déçus par le système, leurs désillusions touchent aussi la communauté internationale qu’ils soupçonnent toujours de faire des accords géopolitiques régionaux à leurs dépens. 

À voir également sur Le HuffPostLes dégâts causés par l’explosion du port de Beyrouth en vue aérienne



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