Procès Charlie Hebdo: le terrorisme est aussi une affaire de femmes mais nous l’avons compris trop tard

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STEPHANE DE SAKUTIN via Getty Images

Une photo prise le 27 août 2020 au palais de justice de Paris montre une pancarte « Réservé au journal Charlie Hebdo » dans la salle d’audience lors des préparatifs précédant l’ouverture, le 2 septembre, du procès des attentats de janvier 2015 contre Charlie Hebdo, Montrouge et l’Hyper Cacher. (Photo de STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

Ce 2 septembre s’ouvre le procès des attentats de janvier 2015 contre Charlie Hebdo, à Montrouge puis à l’Hyper Cacher. Leurs auteurs sont morts mais il reste tant de leurs complices, d’aucuns sous les verrous, d’autres en fuite et d’autres encore inconnus.

Il en aura fallu du temps pour que la justice reconnaisse enfin le véritable rôle des femmes dans la radicalisation jihadiste. Jusqu’au milieu des années 2010, les femmes bénéficiaient en la matière d’un “biais de genre” selon lequel elles étaient d’office considérées victimes, incapables d’être des actrices du jihadisme seulement du fait d’être femmes. Au moins deux d’entre elles sont venues changer la donne.

Hasna Aït Boulahcen, cousine d’Abdelhamid Abaaoud, a œuvré pour lui faciliter la tâche ainsi qu’à ses complices dans la commission des attentats du 13 novembre 2015 à Paris et au Stade de France. Signalée à la police par l’une de ses proches, “Sonia”, qu’elle avait cru contraindre au silence, Hasna Aït Boulahcen a trouvé la mort dans l’assaut contre son appartement de Seine-Saint-Denis où Abaaoud, devenu l’ennemi public numéro un, avait trouvé refuge après ses forfaits.

Autre actrice du jihadisme au féminin, Hayat Boumeddiene est toujours en vie, en fuite quelque part. Elle était mariée religieusement à Amedy Coulibaly, auteur de l’attentat contre l’Hyper Cacher de Paris le 9 janvier 2015, ainsi que de celui de Montrouge le lendemain de la tuerie de Charlie Hebdo. Devant la cour d’assises spécialement constituée, leurs juges seront exclusivement des magistrats professionnels.

 

 

Ces femmes ne sont pas, loin de là, les seules dans le jihadisme. Mais leurs exemples paraissent particulièrement saillants, plus encore celui de Hayat Boumeddiene qui, à partir du 2 septembre, ne sera pas dans le box des accusés où elle a pourtant sa place et nulle part ailleurs.

En 2010, époque où le jihadisme n’était le fait que d’Al-Qaïda et les départs s’effectuaient vers l’Irak, Hayat Boumeddiene s’affirmait déjà islamiste et refusait de condamner les attentats perpétrés par l’organisation d’Oussama ben Laden. À travers Coulibaly, elle côtoie la filière jihadiste des Buttes-Chaumont qui, sans cesse démantelée mais jamais éradiquée, renaîtra de ses cendres pour fomenter les attentats de Paris. Lors de ce procès, la filière sera bien représentée parmi tous les VIP du terrorisme qui comparaîtront, que ce soit comme accusés ou en tant que témoins: Djamel Beghal, Farid Benyettou et, en visioconférence depuis sa cellule, Peter Cherif, tous prédicateurs et mentors des Kouachi ainsi que de Coulibaly.

C’est aussi l’époque où, une première fois, Cherif Kouachi, l’un des deux frères auteurs de l’attentat contre Charlie Hebdo, et Amedy Coulibaly se retrouvent devant la justice comme coauteurs, non d’un acte terroriste mais d’un délit pédopornographique. Le premier forfait de leur association de malfaiteurs. Quant à leurs compagnes respectives, Izzana Hamyd et Hayat Boumeddiene, elles s’entendent et se coordonnent déjà de longue date. Mais à n’en pas douter, devant ses juges, Izzana Hamyd citée en tant que témoin déclarera sous serment ne rien savoir, n’avoir rien vu et avoir toujours pratiqué un Islam modéré!

Dans la préparation des attentats de Montrouge et de l’Hyper Cacher, Hayat Boumeddiene aura été tout sauf une spectatrice. Elle a su obtenir les fonds dont avait besoin son compagnon, louer et acheter des voitures en escroquant les concessionnaires, en un mot être le soutien logistique majeur des premiers attentats de Daech sur le sol français. Après la mort de Coulibaly, c’est sans difficulté qu’elle a pu échapper aux radars et gagner le “califat”, où elle se dira ravie de vivre sur une terre “régie par les lois d’Allah et non par des lois inventées par les hommes”. Si elle fait aujourd’hui l’objet d’un mandat d’arrêt européen et international, celui-ci ne date pourtant que de moins de deux ans, ayant été décerné le 28 septembre 2018 soit plus de trois ans et demi après les deux attentats.

Le pire, c’est que la France a eu sa chance de faire comparaître Hayat Boumeddiene devant ses juges, mais l’a laissé passer. Capturée en Syrie par les forces kurdes qui ont contribué à faire tomber le “califat” de Daech, emprisonnée au camp de Al-Hol, elle a réussi à s’en évader. C’était tout le sens de ma demande de rapatriement des jihadistes français, non tant par indulgence que pour permettre à nos magistrats de les avoir sous la main et pouvoir les juger, amenant ainsi aux victimes la justice qu’elles appellent de leurs vœux depuis cinq ans.

Maîtresse dans l’art de la dissimulation, jonglant avec une armée de téléphones portables sans jamais laisser de trace, Hayat Boumeddiene a joué un rôle majeur dans les attentats d’Amedy Coulibaly avant d’échapper magistralement à une justice française en retard sur les jihadistes qu’elle traquait.

Comment ne pas dresser de parallèle avec une autre jihadiste française des plus habiles, Souad Merah, sœur de Mohamed Merah qui a ouvert la marche du terrorisme contemporain en France en mars 2012 par ses attentats à Toulouse et Montauban? Là encore, dans cette fratrie radicalisée, le jihadisme et l’antisémitisme allaient de pair, jusqu’à semer la mort.

Radicalisée en Égypte dès 2010, Souad Merah narguait ouvertement deux ans plus tard, devinant la présence des caméras de M6, son frère Abdelghani qui condamnait les attentats. Vantant Oussama Ben Laden et l’antisémitisme, elle s’affirmait “fière, fière, fière” de son frère terroriste. En 2014, elle et sa famille quittaient la France pour rejoindre la Turquie, probablement pour y prendre attache avec Daech.

Devancière de Hayat Boumeddiene, Souad Merah avait acheté à son frère Mohamed le billet d’avion qui lui avait permis de gagner l’Afghanistan où s’est parachevée sa radicalisation. Un acte de financement du terrorisme pour lequel, dans un autre dysfonctionnement de notre système judiciaire, elle n’a jamais été inquiétée à ce jour.

 

 

S’il devait y avoir une utilité au procès à venir, outre la vérité ainsi que la justice que réclament les victimes et qui sont leurs droits les plus légitimes, je souhaiterais que ce soit l’irrévocable fin du “biais de genre” envers les femmes jihadistes dont se sont déjà défaits, non sans mal, les magistrats instructeurs et dans lequel ne doivent pas, ne doivent plus jamais, tomber à présent les juridictions de jugement.

Et cet impératif signifie probablement un besoin impérieux de revoir la qualification juridique de ces crimes. Sous une pure qualification terroriste, une Hayat Boumeddiene jugée par défaut bénéficiera de la prescription, et la jeune femme d’une vingtaine d’années pourra revenir en France en quadragénaire libre lorsque le temps de l’action publique aura expiré. En revanche, une qualification de crimes contre l’humanité les rendrait imprescriptibles, ôtant à Hayat Boumeddiene et ses compagnons de cavale leur principal allié –l’oubli.

À travers elle et toutes les autres, contrairement aux idées reçues, le jihadisme est aussi une affaire de femmes. Faire justice, sans autosatisfaction et à travers un système à jour de son temps, c’est aussi reconnaître cette forme la plus sombre de l’égalité des sexes à demeurer niée par la société.

 

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